En 2004, à l’occasion de travaux d’aménagement dans la ville de Norwich en Angleterre, des restes humains – six adultes et onze enfants – avaient été découverts. Les positions dans lesquelles ils avaient été retrouvés et les marques qu’ils portaient ne laissaient pas de doute sur la nature violente de leur mort.
En 2011, Ian Barnes, généticien au Muséum national d’Histoire naturelle de Londres s’y intéresse dans le cadre de son travail sur des affaires non élucidées («cold case») de l’histoire. «Nous pensions d’abord que ces individus avaient été victimes d’une épidémie type peste, ou d’une famine», raconte à l’AFP ce généticien, l’un des auteurs de l’étude parue cette semaine dans Current Biology.
Les analyses à l’aide du radiocarbone ont permis de dater les décès à une époque située en 1161 et 1216. Les chercheurs sont arrivés à la conclusion qu’il s’agissait de Juifs ashkénazes après analyses ADN qui ont montré que les victimes possédaient toutes les mêmes prédispositions génétiques quasiment similaires à celles observées chez des populations juives ashkénazes contemporaines, ce qui laisse à penser qu’elles auraient un ancêtre commun.
La découverte de ces squelettes apporte un éclairage nouveau sur un massacre de Juifs peprétré à cette époque suite à la mort brutale d’un jeune garçon. La famille de Guillaume de Norwich avait alors accusé les Juifs de l’avoir assassiné, ce qui avait donné lieu à de violents pogroms contre la population juive de Norwich, émeutes qui ont éclaté le 6 février 1190. Il s’agissait de la première fois que les Juifs étaient accusés de meurtre rituel contre un enfant chrétien.
«Le sentiment antisémite était alors renforcé par les préparatifs de la troisième croisade» destinée à reprendre Jérusalem, souligne Ian Barnes.
Cela permettrait d’expliquer pourquoi la population juive ashkénaze en Angleterre a diminué de manière importante dans ces années du Moyen-Age.
«Ces corps retrouvés dans le puits représentent une occasion unique de remonter aux racines des théories du «complot juif» qui persistent encore aujourd’hui», a commenté, dans un Tweet, Adam Rutherford, généticien à l’University College de Londres, qui n’a pas pris part à l’étude.