Selon nos sages, nos maîtres à penser, le conflit engagé par le prophète, juge et prêtre Shmouel, contre les Amalécites à l’époque du roi Shaul, ne concerne et ne commande pas seulement les souverains d’antan. Cette injonction Divine va bien au-delà d’un temps ou d’une époque, elle demeure d’ailleurs tout autant conforme aujourd’hui. La question qui se pose est la suivante : quelle est donc la nécessité pouvant justifier une éducation entraînant nos Hébreux vers un caractère revanchard, jusqu’au-boutiste et dangereux ?
Rambam, “le grand aigle”, témoigne sans l’ombre d’un doute de la non-violence d’Israël, même au vu et su du commandement Divin : les Hébreux utiliseront la force uniquement après avoir proposé la paix. Rassurez-vous, depuis les conquêtes de Josué, nous proposions trois formules de face à face : accepter le statut de citoyen étranger, quitter les lieux, ou la guerre totale. L’enseignement est clair et peu importe la conjoncture, guerre de défense ou autre, l’ultimatum sera délivré à chaque occasion. Le Rambam inscrit dans ses lois royales (ch. 6 loi 4) l’éventuelle non-belligérance avec Amalek, si jamais ce dernier convenait d’un état de paix sans appel. Incontestablement, cette entente impose à Amalek un changement radical, une métamorphose intérieure totale, car il est certes plus difficile de corriger l’ensemble d’une conscience nationale que de modifier au singulier nos faits et gestes. Nos illustres maîtres n’hésitent guère à nous rappeler certaines réalités étonnantes : des descendants d’Aman en droite ligne d’Amalek (adepte d’une solution finale du problème juif) instruisaient le texte sacré à Bné-Brak. Une histoire pathétique où des hommes, dont l’ancêtre était le mal à visage humain selon la formule de Hannah Arendt, décident d’adhérer à la foi et au peuple d’Israël.
Pourrions-nous conclure que la paix est possible ? À cette fin, nous devons déchiffrer l’événement « Amalek » à travers ses manifestations tant matérielles que spirituelles, la soudaineté de sa décision, celle de se lancer à l’assaut d’Israël et de lui assener un coup fatal. Il n’est nullement question ici d’une quelconque revendication territoriale de la part des Amalécites. Les Hébreux sont des esclaves nouvellement affranchis, sortis des méandres de la souffrance exilique après des générations et qui, enfin, peuvent souffler et jouir de la liberté et du bonheur retrouvé. Amalek lâche sa horde vers les plus faibles, ceux qui se traînent, ceux qui doutent du bon sens de l’aventure. La détermination du mal à vouloir ruiner, sans mobile apparent, les plus vulnérables et les plus inoffensifs relève d’une barbarie sans nom, elle évoque pour nous l’une des périodes les plus noires de l’Histoire contemporaine. Une seule solution existe et Rambam, dans sa philosophie politique du Guide des Égarés (3ème part. ch. 41), nous la remémore : la force de la dissuasion. Il ne s’agit pas de chasser et de châtier le monstre seulement, il faut de manière absolue éradiquer le mal à sa racine et anticiper toute rechute ! Un seul être, un seul peuple s’essayant à l’idée fallacieuse d’en finir avec les Juifs, saura de prime abord que le châtiment des Hébreux sera sans aucune pitié. Les conséquences seront, non seulement tragiques pour les acteurs mais aussi pour tous les leurs, ils trépasseront frappés par une même punition impitoyable et sans autre forme de procès. Nous serons alors les témoins de poignantes implorations de la part des femmes de ces adversaires démoniaques, elles refuseront de collaborer plus longtemps aux ambitions maladives et assassines. Une seule volonté, celle de sauver leur propre vie et celle de leurs enfants.
Pensez-vous que l’antisémitisme, la haine du Juif ait disparu ? À mon grand regret, me voilà bien obligé de reconnaître l’insupportable insuffisance de l’Humain, si la science demeure son point d’orgue, son être se meurt. Le danger n’est pas écarté, il reste omniprésent, dilué sous diverses formes hybrides, raison de notre vigilance et de notre vivacité à réagir le plus promptement possible, Amalek est toujours là. Selon le texte biblique, justice serait rendue. La campagne menée tambour battant par le nouveau souverain d’Israël doit apporter une réponse univoque aux Hébreux comme aux nations. Elle doit préserver le monde de toute autre tentative de déstabilisation pouvant provoquer souffrances et désastres. Tout était presque parfait quand malheureusement il manqua à son devoir, c’est-à-dire une pleine et entière obéissance à l’Éternel : « Mais Shaul et l’armée épargnèrent Agag » (9).
Rambam évoque à plusieurs reprises ce sujet et déclare, sans ambiguïté, que toute mansuétude à l’égard des barbares entraîne inévitablement un comportement en porte à faux vis-à-vis des êtres bienfaisants, puisque la confusion des valeurs règne en maître. Les scélérats se retrouvent à l’air libre et condamnent ainsi la société des justes et des innocents à vivre dans la peur et la crainte de chaque instant. Avant que la sentence d’Agag ne soit prononcée, celui-ci eu le temps de copuler avec une servante et de donner naissance à une descendance dont on entendra parler. Une de ces célèbres figures fut ‘Aman le Perse’ dont nous avions déjà précisé le rôle sur la scène internationale : premier concepteur de la solution finale du problème juif en un jour. La pensée ésotérique s’intéresse particulièrement à ce thème car, en fin de compte, le sieur Aman engendrera des Maîtres en Israël qui participeront à la propagation du savoir et de la connaissance toraniques. Selon les sages kabbalistes, il se trouve donc une étincelle divine en toute chose, en clair Amalek en est porteur tout autant que quiconque sinon il ne pourrait être. D’où ce verset si spécifique.
Le Rav Kook, de mémoire célèbre, nous enseigne qu’au-dessus du ciel, il n’y a aucune nécessité à devoir annihiler l’existence d’Amalek, sa partie divine transcendante obtiendra, sans nul doute, son salut (Midoth haRéiya : Aaava). Il s’agit très certainement de l’une des causes ayant poussé Shaul à la miséricorde.
En conclusion, la puissance pernicieuse d’Amalek est encore et toujours présente parmi nous. Le roi David ne réussira qu’à blesser l’hydre sérieusement, sans pour autant éliminer définitivement le monstre qui n’aura de cesse à poindre son visage hideux à travers l’Histoire. Inlassable cruauté qui se déverse par trombes et noie trop souvent l’Humanité dans les profondeurs de l’ignominie sans se préoccuper des temps et des espaces.
La bataille est rude mais notre résistance est sans bornes, notre combat est assidu, soutenu mais parviendra à ses fins envers et contre tous les aléas de l’Histoire. Pour le plus grand bien d’une création en mal de vivre mais encore et toujours emplie d’espoir envers un devenir des plus prometteurs.
Rony Akrich