Lors de la dernière Knesset, Aliza Lavi (Yesh Atid) a dirigé la commission pour la promotion du droit des femmes. Aujourd’hui, elle fait partie de ceux qui s’inquiètent de la loi sur les mikvés quant aux dommages qu’elle pourrait causer aux femmes, mais aussi plus globalement pour la place des femmes au sein des structures religieuses.
Le P’tit Hebdo : Nous sortons de la fête de Pourim. Le jour du jeune d’Esther a été choisi pour être « Yom Haagounot », un jour réservé aux femmes qui vivent cet état difficile. Quelle signification cela revêt-il pour vous ?
Aliza Lavi : Esther a sauvé le peuple juif en toute discrétion. C’est une femme qui ordonne à tout le peuple de jeûner pendant trois jours et trois nuits et qui est prête à tout pour sauver ses frères. Il me semble judicieux d’avoir choisi ce jour pour souligner les situations dramatiques et en faire une priorité dans tout le monde juif.
LPH : On entend toujours que la hala’ha est favorable aux femmes dans ce domaine. Pourtant les exemples de femmes qui souffrent ne manquent pas… Comment expliquer le décalage ?
A.L. : Cela s’explique par le manque de courage ! Nous avons les solutions, il suffit de bien vouloir les appliquer. Je promeus, avec d’autres, la mise en place d’un contrat prénuptial qui protègerait les femmes dans ce genre de situations. C’est une idée qu’il est difficile de faire accepter. Nous avons été confrontés à un manque total de compréhension. Aujourd’hui, les choses commencent à bouger. Des rabbins, comme ceux de Tzohar, nous soutiennent dans notre démarche. Elles sont nombreuses à avoir besoin de solutions concrètes aujourd’hui.
LPH : Comment augmenter la prise de conscience dans le monde religieux ?
A.L. : J’avais initié une loi qui a permis aujourd’hui de placer des femmes dans les commissions de nomination des dayanim. C’est un pas dans le bon sens. Les dayanim aujourd’hui sont plus proches de la réalité de la société israélienne. Le Grand Rabbinat aussi, grâce aux différentes actions menées, commence à être plus à l’écoute.
LPH : Les débats autour de la loi des mikvés recouvrent-ils les mêmes clivages ?
A.L. : Je ne comprends pas le fondement même de cette loi. Au départ, c’était pour contourner les réformistes. Mais au final, c’est toutes les femmes qui risquent d’en souffrir. Beaucoup vont au mikvé, religieuses, traditionnalistes et parfois même laïques ! Malheureusement ces dernières années les règles se sont durcies et on veut encore aller plus loin. Les balaniot sont des femmes très bien, mais elles obéissent aux consignes qu’on leur donne et certaines femmes ne sont pas prêtes à se plier à ces consignes. Le fait de mêler cela à la question des réformistes créé une confusion terrible. Que l’on donne deux ou trois mikvés aux réformistes dans le pays, dans lequel ils feront leurs cérémonies ! Après tout, c’est hypocrite de dire que l’État ne les reconnaît pas puisqu’il leur a donné un espace au Kotel ! Pourquoi se battre maintenant sur ce sujet ?
LPH ! Est-ce l’absence de séparation entre religion et État qui porte parfois préjudice aux femmes ?
A.L. : Après 67 ans, bientôt 68, il est absurde de vouloir revenir sur cela. Nous sommes un État juif et démocratique. Mais nous devons trouver notre dénominateur commun. L’identité juive est de plus en plus forte en Israël, on le voit dans la musique, dans la littérature, dans l’ambiance des fêtes. Nous devons trouver des compromis à travers un processus social.
LPH : Comment jugez-vous le statut de la femme dans le judaïsme aujourd’hui ?
A.L. : On assiste à une révolution, y compris dans le monde orthodoxe. Les femmes étudient, prennent des rôles qui leur étaient jusque-là interdits, elles sont au cœur de l’action. Cela est vrai dans de nombreux domaines, y compris dans celui encore relativement tabou du harcèlement sexuel. Tout n’est pas parfait pour autant, nous devons trouver des solutions et avoir le courage de les mettre en œuvre. De plus en plus de Rabbanim manifestent leur intérêt, leur envie d’agir et de coopérer dans ce sens.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay
Photo: Ronen Fedida