Article d’Esther Amar pour Actualité Juive
Les pays africains ont des besoins dans de nombreux domaines tels que les communications, la santé, l’agriculture, les infrastructures, la défense, la sécurité et le renseignement. À défaut de pouvoir déployer une
stratégie à grande échelle, comme la Chine ou la Russie, Israël renforce et étend son soft power en Afrique au travers des technologies agricoles et renouvelables, de l’irrigation, de la médecine, où l’État hébreu détient des
avantages compétitifs, et par le transfert de savoir-faire afin de réduire la pauvreté, la faim et la maladie. Une aide qui n’est pas sans conditions. Le très actif Gil Haskel, chef de l’agence Mashav, assume: « Nous sommes plus motivés à aider les pays amis». L’autre face des relations, le hard power, qui comprend la vente de logiciels de surveillance, d’armes légères, la formation des gardes présidentielles et l’échange de renseignements, renforce les relations entre Israël et l’Afrique. Garder l’Iran hors du continent africain, bloquer la terreur islamique et promouvoir les relations avec les États-Unis sont des moteurs puissants du renforcement de ces relations.
Économie : peut mieux faire
Cette dernière décennie, les exportations israéliennes de biens (hors diamants) vers les pays subsahariens ont chuté de 1,1 Md$ à 0,6M$, alors que, dans le même temps, les exportations vers le reste du monde avaient augmenté de 30%. « Avec une main-d’oeuvre et une croissance économique rapide, l’Afrique devrait figurer sur
le radar de toute entreprise israélienne qui cherche de nouveaux marchés», conseille l’Israel Export Institute (IEI). L’Afrique du Sud et le Nigeria (le géant d’Afrique) sont les partenaires commerciaux principaux d’Israël.
« Mais d’autres pays comme le Kenya, l’Ouganda, l’Ethiopie et le Ghana devraient mener la croissance dans les années à venir, aux côtés du Sénégal, du Mozambique ou du Burkina Faso» insiste l’IEI. Le ministère de l’Économie, l’ASHRA et l’Israel Export Institute offrent un large éventail d’informations et d’outils aux exportateurs
israéliens. L’ASHRA (Israel Foreign Trade Risks Insurance, créée en 1957), dont la moitié des fonds garantis est destinée à l’Afrique, soit près de deux milliards de dollars, garantit les investissements à l’étranger. Par ailleurs, « la Chambre de commerce Israël-Afrique (AICC), créée en 1996 pour relancer les relations économiques, compte à ce jour plus de 300 entreprises israéliennes» précise le Dr. Ayala Wittner, présidente de l’AICC. L’Israélien Irwin Boutboul, fondateur de l’accélérateur Google for Startups souligne que « le gros problème en Afrique, c’est l’investissement et non le manque d’entrepreneurs. Notre plateforme dédiée les connecte aux investisseurs.”
Agritech et irrigation
Environ un tiers des 1 500 entreprises israéliennes présentes sur le continent sont spécialisées en agritech.
L’agence israélienne de coopération Mashav, présente dans le monde entier, consacre 40 % de son budget au continent africain. En 2019, plus de 2 000 personnes ont suivi les formations de Mashav en Israël ou sur le continent aux techniques agricoles, d’irrigation ou de santé. Mashav est partenaire de nombreuses institutions comme la FAO, le FIDA, l’ONU Femmes… D’autres entités, comme Le LR Group, fondé en 1985 par Ami Lustig
et Roy Ben Yami, proposent des exploitations clés en main avec dispensaires, écoles… en Angola, au Tchad ou en RDC. En RDC, LR group a réhabilité et modernisé en moins d’un an la ferme avicole de DAIPN Lukelenge.
Résultats : un réseau hydraulique autonome, deux forages de 70m avec pompes hydrauliques, des commandes
automatisées et vidéosurveillance, des sanitaires aux normes, des cuves de stockage et de distribution de carburant, des groupes électrogènes, des éclairages alimentés à l’énergie solaire. Cette ferme produit 72000 kg de poulets de chair et 2 500 000 oeufs par an, et 7500 poules pondeuses. Depuis 2008, l’ONG Israel Innovation
dirigée par Sivan Yaari, a apporté l’eau potable et l’électricité à 3 millions de personnes en Tanzanie, au Malawi, en RDC, au Sénégal, en Éthiopie, en Zambie, en Eswatini, en Afrique du Sud, en Ouganda et au Cameroun. L’ONG a apporté l’énergie solaire dans les écoles et les centres médicaux. Grâce à une meilleure éducation, la santé
des villageois s’est améliorée, ils peuvent cultiver, fabriquer des briques et être autonomes économiquement. Pour Sivan Yaari, aucun doute, « l’énergie est la clé pour briser le cycle de la pauvreté en Afrique ». Le soft power, assistance technique au développement, transfert de connaissances et formation des cadres a contribué à créer
des liens étroits entre Israël et l’Afrique. Récemment, une délégation de 22 responsables de 8 pays (Bénin, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Sénégal, Togo, Burundi, Tchad et RDC) sont venus au kibboutz Shefayim se former aux techniques agricoles israéliennes, à l’irrigation et à la préservation des ressources.
Défi sécuritaire et terrorisme
Au cours du colloque, la chercheuse Niagale Bagayoko a rappelé que « l’espace ouest-africain est frappé par une double crise sécuritaire (piraterie, attaques terroristes de groupes islamistes radicaux au Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Nigeria) et politique (coups de force constitutionnels et militaires).
En matière d’armement, les États multiplient le nombre de partenaires (Turquie, Chine, Russie) tout en faisant jouer la concurrence». « Au Sahel, le crime organisé, facilité par la corruption, perpétue l’instabilité,
la violence et la pauvreté », déplore le conseil de sécurité de l’ONU. La violence terroriste du groupe Boko Haram, dont les exactions ont provoqué une grave crise humanitaire dans le bassin du lac Tchad, s’exerce contre les fillettes, les jeunes filles et les femmes, par des mariages forcés, l’esclavage ou le proxénitisme. Cette dernière décennie, les exportations de sécurité sont devenues un facteur dominant dans les relations d’Israël avec les pays africains. Pourautant, la vente d’armes légères (fusils et mitrailleuses canons, systèmes d’artillerie, mortiers, dispositifs de repérage et services de protection) ou les ventes négociées par des tiers restent difficiles à mesurer. En 2019, l’organisation Small Arms Survey a classé Israël comme « l’un des pays le moins transparent en matière
de relations sécuritaires ». Le Dr Yaron Salman* qui enseigne le management et la résolution de conflits à l’université Ben Gourion et à Safed, décrit : « à la suite du Nigeria, la menace islamiste a stimulé l’intérêt du Ghana, de la Côte d’Ivoire, du Rwanda, du Kenya, puis de l’Ouganda et du Sud-Soudan pour le savoir-faire
d’Israël en matière de renseignement. Idem pour l’Erythrée et le Kenya afin de sécuriser les voies maritimes de la mer Rouge et empêcher l’Iran de faire passer des armes au Hamas et au Hezbollah». Israël a formé la garde présidentielle en Guinée équatoriale, la marine nigériane, des pilotes de l’armée de l’air ougandaise
et mis à jour sa flotte d’avions de chasse. Au Cameroun, une unité de la garde nationale est surnommée « Unité
israélienne ». « Dans chaque pays où nous avons une coopération, nous repoussons l’Iran et l’isolons » indiquait le site Israel Beytenou en 2018. Un reportage de Channel 13 en 2019 avait montré des commandos de Tsahal entraînant des soldats africains au krav maga, au combat urbain et à la libération d’otages, grâce à l’effort conjoint du ministère des Affaires étrangères, du Mossad, de Tsahal et du Shin Bet. Le Colonel Aviezer Segal, attaché militaire en Afrique a précisé « qu’Israël a exclu de travailler avec certains pays africains en raison de leur
bilan en matière des droits de l’homme».
*INNS, Institute for National Security Studies, université de Tel Aviv
Santé et biennale MedinIsraël 2023
Les services diplomatiques français signalent que « malgré des avancées pour la santé des populations ces dernières décennies, le continent africain est confronté à des taux de mortalité maternelle et infantile élevés, des
taux de prévalence importants du VIH/sida, de nombreux cas de tuberculose et de paludisme, des épidémies, des maladies tropicales négligées, une montée en puissance des maladies non transmissibles (AVC, diabète…), une pénurie de ressources humaines en santé et en urgentistes humanitaires, à l’absence de couverture santé universelle et au fléau grandissant des médicaments falsifiés… ».
Ces défis vont s’aggraver avec l’explosion démographique et le réchauffement climatique. De son côté, Israël a fourni un million de vaccins contre le coronavirus à l’Afrique via le programme mondial Covax. L’organisation
IsraAid a aidé à mettre en place une politique de vaccination contre le coronavirus dans l’Eswatini. La biennale MedinIsraël 2023, destinée aux technologies médicales pour les pays d’Afrique de l’Ouest, se tiendra pour
la première fois en français. Une trentaine de sociétés israéliennes y participeront. Les représentants africains pourront découvrir l’offre israélienne en matière d’équipements médicaux.
Cyber et intelligence artificielle
Au cours du colloque de l’ambassade, Simon Schwall, CEO et co-fondateur en 2018 de la start-up israélienne Oko
implantée au Mali, a présenté son ingénieux système de micro-assurances pour les petits agriculteurs du Sahel. Son système analyse en continu les données satellitaires et météo (niveau de pluviométrie) des 30 dernières
années et de rendement, pour évaluer les pertes et indemniser les agriculteurs, sans déclaration de dommages et sans envoyer d’experts sur place, grâce au paiement à distance. Ce système les soutient face au dérèglement climatique, aux ravageurs, et au coût des intrants (fertilisants, pesticides, semences) non subventionnés.
Côté défense, en Afrique, l’intelligence artificielle et le machine learning progressent dans les systèmes de surveillance avancés et les drones de combat, pour lutter contre le crime organisé, les groupes extrémistes et
les insurrections violentes. Certains pointent « l’omniprésence des logiciels espions en Israël qui permettent aux gouvernants d’écouter leurs opposants politiques » ou aux pays africains « de s’écouter les uns les autres ».
Les médias ont procédé à un véritable lynchage au niveau mondial de la société israélienne NSO. Mais pour l’ASPI (Australian Strategic Policy Institute), la vraie menace vient des technologies de reconnaissance faciale chinoises, massivement déployées au prétexte du maintien de l’ordre. « La Chine veut prendre le leadership en Afrique. L’Initiative Belt and Road du président Xi Jinping a été son principal vecteur d’expansion sur le continent» alerte l’ASPI. 40 des 54 pays africains ont signé des accords avec la Chine. L’ASPI a recensé 266 initiatives technologiques chinoises à travers l’Afrique, infrastructures 5G, centres de données, smart cities, programmes
d’éducation, « dont la moitié sont connectées au géant chinois Huawei, qui détient 70% des réseaux 4G en Afrique et dont la marque de téléphones mobiles est la plus populaire sur le continent ».
Article réalisé par Esther Amar
Publié dans Actualité Numéro 1647
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L’Afrique a de nombreux besoins à commencer par la modification de pratiques ancestrales et la lutte contre la corruption. Faudrait lui apprendre ce proverbe « aides toi et le ciel t’aideras » et non pas tout attendre des autres quand les premiers mots, en terme d’accueil sont « et les cadeaux ? » et ce, dans la plupart des pays…. Courage et bravo au kibboutz Shefayim que je connais bien….il leur en faudra !