Article de Pascale Zonszain paru dans Actualité Juive numéro 1659
Les accords ont donné la première impulsion, mais la normalisation régionale progresse désormais un peu plus lentement.
Le 15 septembre, le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis était à Jérusalem. «C’est à nous d’oser construire un pont de paix véritable pour les générations à venir», inscrivait Abdullah ben Zayed Al ahyane
dans le livre d’or du mémorial de Yad Vashem. Tout un symbole pour cette première visite qui marquait le deuxième anniversaire de la signature des «accords d’Abraham», par les Émirats et Bahreïn, suivis quelques mois plus tard par le Soudan et le Maroc, qui entreprenaient ainsi de normaliser leurs relations avec l’État d’Israël. Si les quatre pays musulmans ne sont pas parvenus au même stade de rapprochement, tous ont en tout cas choisi de rompre avec la logique d’enfermement qui interdisait au monde arabomusulman tout rapport avec Israël, tant que le dossier palestinien n’aurait pas trouvé son règlement. On se souvient pourtant que les Émirats avaient conditionné leur adhésion aux accords à l’abandon par Israël de son projet d’annexion en Judée-Samarie. Il y avait donc bien un lien avec le dossier palestinien. Un argument d’ailleurs balayé par l’Autorité palestinienne qui n’a pas manqué d’accuser tous les signataires de l’avoir poignardée dans le dos.
C’est à Donald Trump que l’on doit d’avoir bousculé la règle du jeu, au point que son successeur avait d’abord
considéré avec un scepticisme teinté de mépris l’initiative du président républicain, avant de reconnaître qu’il avait ouvert une nouvelle voie dans une région plutôt réputée pour ses impasses. Et lors de sa visite en Israël en juillet dernier, Joe Biden avait cosigné avec le Premier ministre Yaïr Lapid la «Déclaration de Jérusalem» par laquelle Israël remerciait les États-Unis pour leur «soutien continu et poussé pour l’approfondissement et l’expansion des «accords d’Abraham».
Les accords bilatéraux de coopération signés dans les domaines les plus variés, y compris celui de la défense, doivent installer cette normalisation dans le long terme. Les salons et congrès de technologie israéliens, du développement durable à la biotechnologie en passant par la cybersécurité, font le plein de chefs d’entreprise ou d’investisseurs émiratis. La 1ère conférence internationale sur l’innovation de défense qui s’est tenue mi-septembre à Tel Aviv comptait, parmi la vingtaine de délégations militaires invitées, celle du Maroc, conduite par son inspecteur général, le général Belkhir, dont les entretiens avec les officiers supérieurs de Tsahal ont passionné les médias du royaume. Mais comme dans toute nouvelle idylle, l’enthousiasme ne dure qu’un temps. Les «visites inédites», «rencontres historiques» et autres «premières fois» font, par définition, place à une certaine routine, qui est le propre de la normalisation. Jérusalem attend encore la venue des chefs d’État et les hôtels israéliens ne sont pas submergés par les touristes du Golfe ou du Maroc. Déception également sur l’élargissement des accords. On avait espéré voir le président Biden se faire le messager de la paix entre Israël et l’Arabie saoudite
lors de sa tournée estivale au Proche-Orient. Riyad n’allait pas se joindre si vite à ce nouveau choeur de la paix. Il lui suffisait qu’Israël ait donné son accord à la rétrocession par l’Égypte des îlots de Tiran et Sanafir à l’Arabie saoudite.
Pour le reste, on verra plus tard. D’autant que désormais, un canal de communication tout à fait officiel permet de dialoguer avec Israël sans se compromettre: le CENTCOM.
Israël qui dépendait jusque-là du commandement européen dans ses relations militaires avec les États-Unis, est passé il y a un an au Commandement central militaire américain, qui couvre les pays de la zone Moyen-Orient-Asie centrale.
Une décision du Pentagone qui s’inscrit aussi dans la construction d’une «architecture de défense régionale» que Washington promeut comme réponse à la menace iranienne pour ses alliés sunnite et israélien.
Pascale Zonszain
Actualité Juive numéro 1659
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