Le journaliste et analyste politique d’i24NEWS, grièvement blessé dans un attentat perpétré à l’Université hébraïque en 2002 qui a fait neuf morts, partage son sentiment alors que les auteurs de l’attaque viennent d’être libérés. Interview
Actualité Juive : Vous avez été grièvement blessé dans l’attentat perpétré sur
le campus de l’Université Hébraïque de Jérusalem en 2002. Quel est votre
sentiment par rapport à la libération des terroristes à l’origine de cette
attaque en échange d’otages ?
Dror Even-Sapir : Même si je considère aujourd’hui l’attentat comme étant derrière
moi, je ne suis évidemment pas indifférent à ces libérations. À partir du moment où
l’accord a été conclu, nous pouvions nous attendre à ce que des terroristes ayant
sévi lors de la seconde Intifada soient libérés. Toutefois, je ne pense pas que le fait
d’avoir été blessé me rende plus légitime qu’un autre pour juger du bien-fondé de
ces libérations. Je suis en revanche inquiet de la réaction des proches des
personnes tuées dans cet attentat.
Vous êtes de ceux qui considèrent la libération des otages comme une priorité
absolue, et ce, quel qu’en soit le prix. Sur quoi se fonde cette conviction ?
Tout État démocratique se doit d’assurer la protection de ses citoyens, et c’est encore plus vrai s’agissant d’Israël qui a été fondé, entre autres, pour assurer la préservation de l’intégrité physique des Juifs. Or, le 7 octobre, l’État a failli dans cette mission fondamentale. Ne pas ramener les otages constituerait en ce sens une tache indélébile dans l’histoire de la nation. Cela porterait également atteinte aux valeurs de solidarité qui caractérisent le pays, modifiant ainsi en profondeur la perception qu’ont les citoyens de leur État. Je ne minimise pas les dangers potentiels liés à la libération des terroristes, mais je pense qu’il incombe à l’État, là encore, de protéger ses citoyens en empêchant toute récidive de la part des détenus relâchés. L’échec du 7 octobre est celui de la stratégie globale mise en place par l’establishment politique et militaire, il n’est pas lié au nombre de membres du Hamas infiltrés en Israël ni à leur détermination. De même pour ce qui est de la libération de terroristes : l’enjeu sécuritaire réside dans la capacité ou non des autorités à prendre les mesures adéquates.
Quel est votre sentiment global par rapport au cessez-le-feu ? Se dirige-t-on
vers la fin de la guerre ?
Je me réjouis de l’accord conclu, même si l’on n’est jamais à l’abri de mauvaises surprises de la part du groupe cruel et sanguinaire qu’est le Hamas. Pour la suite, tout dépendra selon moi de la détermination de Benyamin Netanyahou et de Donald Trump à avancer sur le chemin de la normalisation avec l’Arabie saoudite. Si celle-ci devient une priorité, alors il est évident qu’on ira vers la fin de la guerre, Riyad ne pouvant conclure une paix avec Israël qui n’inclue pas ce paramètre. Le chemin, cela dit, est encore long, car Netanyahou sera entretemps soumis aux pressions de l’aile droite de sa coalition qui réclame la reprise des combats pour détruire le Hamas. Je considère pour ma part que cet objectif de guerre aurait été facilité par la mise en place d’un pouvoir alternatif à Gaza. La nature, on le sait, a horreur du vide, et là où Tsahal se retire, le Hamas revient…
Votre vision d’une paix possible avec les Palestiniens a-t-elle changé depuis le
7 octobre ? Quel avenir peut-on envisager sur cette question ?
Tout dépend du sens que l’on donne au mot paix. La paix avec les Palestiniens au sens d’une réconciliation est chimérique, elle n’est ni pour demain ni pour après-demain. C’était déjà ma conviction avant le 7 octobre, pour la bonne raison que les Palestiniens ne conçoivent leur identité nationale qu’en y incluant Haïfa ou Jaffa. On peut en revanche trouver des arrangements qui limitent les frictions. Je continue, de mon côté, à croire dans les vertus d’une séparation avec les Palestiniens, avec des frontières défendues et sûres. Je précise bien sûr que les opinions que je partage ici n’engagent que moi, et non i24NEWS.
Interview réalisée par Johanna Afriat pour Actualité juive (numéro 1768)