Ces vacances qui commencent sont aussi l’occasion de s’interroger à tête reposée sur l’offre scolaire qui est faite aux olim de France en Israël. LPH vous propose un dossier spécial consacré à ces écoles qui se tournent particulièrement vers cette population: de celles qui permettent de passer le Bac français à celles qui plongent les jeunes olim dans le Bac israélien, le choix s’est considérablement agrandi ces dernières années. Pour quels résultats? Comment évaluer l’intégration de ces adolescents à la lumière de leur parcours scolaire? Quel est l’avenir des programmes destinés aux olim de France? Nous avons voulu dresser un tableau, certes non exhaustif, en interrogeant directeurs d’établissement et responsables éducatifs.
Pour ouvrir ce dossier, nous nous sommes entretenus avec Ariel Kandel, directeur de Qualita et lui-même ancien du lycée français torani de Kfar Maïmon. Il analyse pour nous le développement de ces structures scolaires et leur pertinence dans le paysage actuel.
Le P’tit Hebdo: Les écoles dites françaises en Israël sont en proie ces dernières années à des difficultés financières. Comment expliquez-vous cette évolution?
Ariel Kandel: Certaines écoles de ce type sont très anciennes comme Guivat Washington, Kfar Maïmon ou le lycée français de la Hava à Jérusalem. Avant la dernière vague d’alya, elles subvenaient très bien à leurs besoins. Elles bénéficiaient et bénéficient toujours de financements du ministère de l’éducation nationale israélien dont elles dépendent.
Avec l’arrivée massive de familles françaises au milieu des années 2010, de nouvelles structures ont vu le jour pour répondre à une demande croissante. Ainsi, des programmes comme Naalé ou le lycée Maïmonide de Mikvé Israël ont commencé à fonctionner, avec succès.
Cette évolution s’est heurtée à la baisse du nombre de olim, avec une prévision à 2000 pour 2019. Ainsi, même si chacune de ces écoles possède sa spécificité, elles s’adressent au même public. Aujourd’hui, certains établissements n’arrivent plus à obtenir les subventions nécessaires, par manque d’effectifs.
Lph: Quelle relation Qualita entretient avec ces écoles?
A.K.: Nous sommes en contact avec les différentes écoles qui possèdent des programmes pour les olim de France. Nous participons à l’éducation informelle de ces élèves. En effet, force est de constater que la partie purement scolaire est fondamentale, mais que ces adolescents olim ont aussi besoin de renforcement quant à la connaissance du pays, de sa géographie et de son histoire, de sa culture et de ce qui compose sa société. Donc Qualita aide financièrement ces écoles pour organiser des conférences, des excursions, des activités informelles permettant d’inculquer aux élèves des bases indispensables à leur intégration.
Lph: C’est dans cet esprit que vous avez été un acteur central dans la mise en place et le lancement du projet Me’houbarim (reliés) au début de l’année 2019. De quoi s’agit-il et concerne-t-il aussi les écoles ”francophones”?
A.K.: Il s’agit d’un projet lancé par le ministre de l’éducation de l’époque, Naftali Bennett, via la société des matnassim (centres communautaires urbains) et subventionné essentiellement par le ministère ainsi que par Qualita et les parents. Mis en œuvre depuis mars 2019 à Jérusalem, Netanya et Ashdod, il propose aux enfants de la kita dalet à la kita youd beth, après l’école, des activités, des ateliers, du soutien scolaire, des groupes de leadership et une préparation à l’armée, mais aussi un centre aéré. L’objectif est de toucher 2000 enfants, quelle que soit l’école dans laquelle ils sont scolarisés. Pour le moment 1000 sont concernés, mais les 2000 devraient être atteints à partir de la rentrée de septembre. Notre objectif est, évidemment, de transposer ce projet dans toutes les villes d’Israël où la population des olim de France est importante.
Lph: Ce programme est donc spécifique aux enfants olim de France?
A.K.: Oui, cela s’inscrit dans notre idée que l’on ne peut pas se contenter des programmes destinés à l’ensemble des olim. Les Francophones possèdent leurs particularités auxquelles il faut répondre. Les olim d’Ehtiopie et de Russie ont leurs programmes propres ainsi que les Américains, à travers l’association Nefesh B’ Nefesh. Pourquoi pas les Français? Nous agissons pour augmenter la prise de conscience de cette nécessité, notamment dans les réponses éducatives.
Lph: Vous évoquez les programmes communs, il est vrai que le ministère de l’éducation met à la disposition des élèves olim, un certain nombre de services et de facilités. Peut-on considérer que l’intégration scolaire de ces populations est suffisamment considérée comme une priorité?
A.K.: Il faut, bien entendu, avoir de la reconnaissance. Les services de l’Etat mettent en œuvre des politiques d’assistance et de soutien qui sont bénéfiques. Parallèlement à ce constat positif, nous ne pouvons pas faire abstraction de tout ce qui doit encore être amélioré. Si nous n’alertons pas les preneurs de décisions, il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils agissent. Notre rôle, en tant qu’association, mais aussi celui de chaque olé, est de mettre le doigt sur ce qui ne va pas et de faire remonter l’information au plus haut niveau pour espérer voir la situation s’améliorer.
Récemment, un reportage très émouvant, sur la 12e chaine de la télévision israélienne, a présenté des histoires d’olim qui étaient repartis en France, parce qu’ils n’avaient pas réussi à s’intégrer. Le journaliste qui l’a réalisé a reçu, à la suite de sa diffusion, des messages de plusieurs députés, maires, personnalités publiques. Ils avaient été touchés par ce qu’ils avaient découvert et voulaient aider.
Il ne s’agit pas de critiquer vainement, mais bien de procéder à un examen critique et constructif pour que la situation soit toujours meilleure et adaptée aux besoins des olim de France. C’est un des rôles de Qualita.
Lph: Lorsque l’on fait son alya en famille, que vaut-il mieux: inscrire ses enfants dans une école israélienne ou dans une école israélienne francophone?
A.K.: Cela dépend de l’âge des enfants. A l’âge du primaire et même du collège, il faut absolument les intégrer dans le système israélien. Mais les parents et les élèves doivent accepter tous les conseils et ateliers donnés par les mairies et associations. A l’âge du lycée, il est préférable d’opter pour finir le Bac français ou d’aller dans des établissements comme ceux de Naalé ou Guivat Washington (à partir de la rentrée 2019) qui proposent le Bac israélien adapté aux olim français.
Dans tous les cas, il est nécessaire de faire des efforts pour s’adapter, c’est pourquoi nous insistons toujours pour que les olim sachent accepter la main qui leur est tendue, sous la forme d’ateliers mis en place par les différentes associations pour les parents.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay