J’ai eu ce triste privil!ège d’être à l’ombre de ces héros de Goush Katif lors de leur expulsion.
Après la chaine humaine, après les manifestations dans les villes, après Kfar Maïmon et Ofakim, nous étions parvenus, (avec l’aide d’un soldat en fonction, il faut le dire) à nous infiltrer dans le Goush, un peu plus d’une semaine avant le désastre.
Pendant toute cette semaine, nous avions parlé aux soldats, nous avions prié, nous avions chanté à la synagogue de Neve Dkalim. .Nous étions ces petits grains de sables qui pensaient pouvoir dérégler la machine, mais …nous avons échoué.
Après… Après ce fut la douleur des familles déracinées, privées de leur maison, de leur communauté, de leur travail. Après ce fut ces cœurs déchirés, ces enfants traumatisés, ces adolescents révoltés, ces morts prématurées; ces soldats anéantis, l’amertume d’un gâchis incompréhensible, d’une peine sans nom qui cognait dans nos têtes. Et puis, peu de temps après, c’était des roquettes dans le sud et une suite que tout le monde connait, hélas !
Pourtant nous avions voulu croire que l’innommable ne se passerait pas et nous étions venus là-bas, près de nos frères meurtris, avec dans le cœur ce fol espoir de participer avec eux à la Seoudat Odaya.
Nous étions là-bas et eux aussi y étaient. Eux, les autres, avec leur magnétophone et leur caméra, venus du monde entier. Il y avait même cette journaliste américaine, spécialiste des guerres, avec le bandeau de Moshé Dayan sur son œil manquant qui fut tuée plusieurs années plus tard en Syrie. Ils étaient tous arrivés, ils étaient tous prêts, et eux aussi attendaient. Mais, ils n’attendaient pas le même dénouement. Ce qu’ils attendaient et parfois espéraient c’était la guerre civile. Car enfin, logiquement, peut-on évacuer comme ça, 9000 personnes de leur maison sans avoir une opposition violente ? Une telle ignominie peut-elle se passer sans conflit fratricide ?
Eh bien oui ! Incroyable mais vrai ! Cela se passa. Il y eut des cris, des pleurs, des évanouissements, des embrassades, des enlacements (de civils déportés et de soldats). Il y eut des larmes et des chants mais pas de guerre civile !
Oh mes frères chéris du Goush Katif, le savez-vous ? Le lendemain du 9 av, jour terrible où les deux Temples ont été détruits à cause de la haine gratuite, on vous a chassés de vos maisons, comme des hors-la loi. Et vous, mes frères, à ce moment, avec une blessure si profonde au cœur, vous auriez pu avoir de la haine, une haine non-gratuite cette fois, une haine logique, légitime. Mais Oh mes frères chéris, au lieu de la haine vous avez eu dans le cœur de l’amour gratuit, de l’amour immense pour votre peuple exactement tout le contraire de ce qui s’est passé dans notre histoire. Là ou la haine devait germer vous avez créé ce miracle ! Le miracle de l’amour gratuit. L’amour du soldat, du peuple, de l’autre juif. Cet amour presque irréel que seuls les tsdadikim sont capables d’avoir. Cet amour qui fait passer le peuple avant l’intérêt personnel, cet amour qui empêche les mains de frapper, la bouche de maudire. Cette amour qui n’enlève rien à la souffrance mais qui va faire s’en retourner bredouilles tous ces journalistes assoiffés de sang. Comment ne pas voir votre grandeur ? Comment ne pas frémir à la pensée de ce qui aurait pu se passer si vous aviez agi différemment.
Oh mes frères chéris, dans cette période de tristes souvenirs, où les blessures ressaignent, sachez une chose : VOUS REVIENDREZ ! Je ne sais pas quand, je ne sais pas si ce sera vous ou vos enfants mais vous reviendrez ! Mais cette fois-ci vous ne reviendrez pas seuls, séparés du peuple et marginaux. Cette fois-ci le peuple entier reviendra avec vous et à nouveau la synagogue reconstruite de Neve Dkalim se remplira de chants, mais ce sera alors des louanges de remerciements, des chants de bonheur…
Laure Moatti
Photo by Pierre Terdjamn/Flash90.
Laure Moatti. Ce que vous avez écrit est très beau: Une ôde à la beauté de l’âme que « D » a insufflée au peuple juif à la création du monde. Visons à aimer aussi et à élever toutes les créatures de « D » au sein de La Paix Universelle que « D » désire voir régner entre ses enfants.