En tant que descendants d’Abraham, désignés pour être une source de bénédiction pour l’humanité tout entière, nous avons le devoir de réfléchir aux moyens d’aider l’Europe à faire face à la menace islamiste. • Les spécialistes occidentaux ne considèrent pas les racines du problème. • Où mènera la confrontation entre l’Occident et l’islamisme ? Deux scénarios possibles. • Israël peut et doit nouer des relations avec ceux des mouvements de la droite européenne qui œuvrent à se défaire de leur passé antisémite. • Les Musulmans peuvent s’intégrer aux Etats européens, sur le modèle du guer tochav (l’étranger-résident) biblique.
Notre intérêt pour l’Europe
L’Europe nous intéresse. Depuis Abraham notre père, nous avons l’habitude, nous, enfants d’Israël, de nous soucier de toutes les nations, et de chaque personne. Abraham s’efforçait de rechercher le mérite de chaque peuple, fût-ce de Sodome. Tel est le rôle que l’Eternel nous a imparti, depuis qu’Il ordonna à Abraham : « Va-t’en de ton pays, du lieu de ta naissance et de la maison de ton père, vers le pays que Je te montrerai. Je ferai de toi un grand peuple, Je te bénirai, grandirai ton renom, et tu seras source de bénédiction. (…) Par toi seront bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12, 1-3). En d’autres termes : quitte la vie locale étroite où tu es confiné, et rejoins la terre promise, afin d’y fonder un peuple à dimension universelle, qui diffusera, depuis la terre d’Israël, la parole de l’Eternel, laquelle s’adresse à toute l’humanité. Il fut également dit à Jacob notre père : « La terre sur laquelle tu reposes, c’est à toi que Je la donne, et à ta descendance. Ta descendance sera comme la poussière de la terre, et tu t’étendras à l’ouest, à l’orient, au nord et au midi ; par toi seront bénies toutes les familles de la terre, et par ta descendance » (Gn 28, 13-14).
De plus, après que de nombreux enfants d’Israël furent exilés, au long des générations, dans les différents pays d’Europe, ce qui se passe là-bas nous importe. Et bien que, généralement, notre exil n’y ait pas été de tout repos, nous y avons aussi vécu de bons jours. Or la Torah nous enseigne que, même à l’égard des Egyptiens, qui nous réduisirent à un dur servage, il faut se conduire d’une manière positive, puisque nous fûmes autrefois résidents en leur pays (cf. Dt 23, 8-9). Enfin, ce qui se passe dans la proche et puissante Europe est susceptible d’influer sur nous.
Le problème des « spécialistes » occidentaux
Les Etats occidentaux dépensent une fortune énorme pour financer les travaux de milliers de chercheurs, attachés aux facultés ou instituts d’histoire, d’étude des religions, de sociologie ou de psychologie des masses. Ils possèdent des milliers de représentants et de conseillers en relations extérieures. Malgré cela, ils ont du mal à comprendre la menace qui se dresse devant eux.
Leur problème est cardinal. Ils s’efforcent de regarder les choses d’un point de vue objectif, sans considérer les notions de foi et d’identité. Mais c’est précisément cette attitude qui les empêche de comprendre pleinement les motivations humaines, à plus forte raison les motivations d’hommes religieux, et de nations entières.
Prévision réaliste
Pour qui n’est pas frappé de l’aveuglement touchant les « spécialistes », il est loisible de comprendre qu’il se produit, aujourd’hui, une confrontation générale entre l’islamisme et l’Occident. L’aveuglement des experts occidentaux confère à l’islamisme un grand avantage dans l’ouverture des hostilités.
Il est difficile de prévoir comment cela se terminera. Si l’aveuglement occidental devait se poursuivre, l’Europe deviendrait progressivement musulmane. D’abord par l’immigration musulmane en Europe ; par le jeu conjugué de l’exploitation des droits de l’homme à des fins de peuplement, de la croissance naturelle, et de la diffusion de l’islam, qui propose une alternative morale et religieuse au vide laïciste, béant en Europe. Tout cela s’accompagne de la violence, destinée à consolider l’implantation islamiste et à imposer la peur à ses voisins européens. Si ce scénario se réalisait, tous les Européens seraient forcés de se convertir à l’islam, car la loi de Mohammed s’impose à la pointe de l’épée.
L’autre hypothèse, non moins réaliste, est que, progressivement, la vie deviendra plus difficile. Les gouvernements resteront impuissants face à l’islamisation et aux émeutes. La situation économique des différents pays s’effondrera ; la violence et la criminalité urbaine augmenteront ; de sorte qu’un jour, la haine européenne envers les Musulmans atteindra un point tel que plus rien ne pourra empêcher les tendances barbares de l’Europe de se réveiller et d’exploser. Alors les Européens commenceront à tuer les Musulmans, de même qu’ils avaient coutume de combattre et de tuer durant mille ans. La police tentera de les arrêter, mais ne le pourra pas. Les ennemis des Musulmans eux-mêmes, dans le monde entier, auront grandement pitié d’eux, car ils seront la proie de toutes les violences, battus, expulsés, noyés dans les fleuves. Si l’on considère l’Histoire, on s’aperçoit que les Européens ne sont pas moins experts que les Musulmans en matière d’effusion de sang.
Dans les deux cas, et même dans le cas d’un certain panachage des deux situations, l’Europe déclinera, aux points de vue moral, social, scientifique et économique.
Ce sont précisément les mouvements de la droite extrême qui comprennent le mieux la situation. Il se peut que, en les faisant participer à la gouvernance des Etats, les Européens trouvent une solution raisonnable au problème grave auquel ils sont confrontés. Mais cela même est fort problématique.
Les mouvements d’extrême-droite en Europe
C’est avec une certaine crainte que j’aborde la question des liens qu’il est souhaitable de tisser avec les partis de la droite nationale en Europe. D’un côté, la position habituelle, parmi de nombreux Juifs et de nombreuses autorités morales, est qu’il faut avoir en horreur ces mouvements, car ils pèchent par xénophobie et par antisémitisme ; or l’Histoire nous apprend que de telles haines peuvent avoir la plus redoutable conséquence : l’extermination, la Choa. Même après la Choa, certains mouvements d’extrême-droite européenne ont continué de soutenir l’idéologie nazie, pleinement ou partiellement. Et bien que, dans leur majorité, leurs dirigeants et membres se soient démarqués du nazisme et des projets génocidaires antijuifs, ces mouvements ont continué de servir de vivier à des pervers, qui s’emploient à justifier l’extermination de millions de Juifs pendant la Choa, ou nient l’ampleur du génocide, ou encore veulent en contester la gravité. On peut encore trouver, dans ce sillage, des jeunes gens violents, au crâne rasé, nettement néo-nazis, haïssant les étrangers en général et les Juifs en particulier, soutenant l’idée de supériorité de la race aryenne, et justifiant toutes sortes de discriminations contre les membres d’autres races, sans considération de leurs idées ni de leurs actes.
À l’inverse, au fil des années, certains partis de droite extrême ont connu un processus de changement. De nouveaux dirigeants sont apparus, qui récusent explicitement tout héritage nazi et raciste. Certains d’entre eux soutiennent publiquement l’Etat d’Israël. Ils ont exclu de leurs rangs, avec une gêne évidente, les néonazis et antisémites déclarés. Aujourd’hui, les mouvements de droite nationale comprennent mieux que les autres le problème islamiste. Ils comprennent qu’il s’agit d’une guerre culturelle globale, opposant l’Europe à l’islamisme, et non simplement d’actes terroristes dus à des extrémistes qui se trouvent être musulmans. Ces mouvements ont, de plus, raison d’exiger que les identités nationales, religieuses et culturelles des différents pays d’Europe soient préservées. De même qu’il est interdit de voler les biens de l’individu – comme l’avaient fait les communistes dans les pays soumis à leur pouvoir –, de même est-il interdit de voler aux gens leur identité nationale et religieuse.
Les partis de gauche
Les partis de gauche nient le poids prépondérant de l’identité nationale et religieuse. Conséquemment, ils soutiennent l’intégration de réfugiés dotés d’une identité autre, et leur reconnaissent le droit d’exprimer cette identité publiquement, même lorsqu’elle porte atteinte à l’identité nationale des populations indigènes.
Les Juifs qui ont vécu au sein de l’exil européen ont, pour leur part, toujours reconnu et honoré l’identité nationale et religieuse des gens de leurs pays d’accueil. Mais il faut bien reconnaître que, dans la période moderne, en Europe et plus particulièrement en France, des Juifs assimilés et détachés des valeurs de la judéité – comme identité de peuple – et du judaïsme – comme religion –, ont joué un rôle au sein de mouvements de gauche, dont l’idéologie tend à estomper les identités nationales, au nom des valeurs universelles des droits de l’individu et de l’égalité.
Les partis de gauche nous portent également atteinte, nous-autres Juifs. Leurs représentants critiquent parfois de façon brutale le judaïsme et l’Etat d’Israël. Même ici, en Israël, les leaders de la gauche rognent sur l’identité nationale et religieuse, s’opposent à la définition de l’Etat d’Israël comme Etat national juif, s’opposent à l’attribution d’un statut particulier à la langue hébraïque et à l’héritage d’Israël comme base de notre culture et de notre droit. Dans le même temps, curieusement, ils reconnaissent l’existence d’une identité “palestinienne”, tout à fait fabriquée, au bénéfice des Arabes vivant ici, en terre d’Israël, de même que leurs camarades européens sont prêts à soutenir l’islam d’Europe plus qu’ils ne soutiennent la culture majoritaire.
Des liens pertinents avec la droite nationale
Face à la situation présente, il convient de considérer positivement la création de liens avec les mouvements de droite nationale en Europe, étant entendu que chaque cas doit être examiné séparément. Un mouvement qui désavoue totalement l’antisémitisme et le racisme mérite d’être respecté, et un dialogue avec lui peut être amorcé. Il devrait être reconnu que le combat justifié contre l’islamisme et contre tout ce qui menace les identités nationales est un combat pour le maintien de la loi et de l’ordre, un combat pour que les pays jouissent d’une identité claire, et n’émane en rien de la haine des étrangers.
Marine Le Pen
À notre regret, l’Etat d’Israël échoue à conduire un juste dialogue avec les mouvements de droite nationale européens. Au lieu de reconnaître des positions nationales raisonnables et morales, et de renforcer le courant qui, au sein des droites nationales, refuse le racisme et la haine, on préfère, chez nous, dialoguer avec ceux qui œuvrent à l’effacement identitaire ; ceux-là même qui sont incapables d’affronter convenablement quelque problème que ce soit, et qui portent également atteinte à l’Etat d’Israël, lequel se trouve précisément placé sur ce front : la guerre pour la survie et pour l’identité.
Prenons pour exemple la dirigeante de la droite nationale française Marine Le Pen. Celle-ci a manifesté son souhait d’établir des liens avec les institutions juives françaises et avec Israël. Or au lieu de conduire avec elle un dialogue honorable, on lui a opposé une fin de non-recevoir. Le Front National a exclu de ses rangs son propre fondateur, Jean-Marie Le Pen, père de Marine, parce que celui-ci avait refusé de revenir sur des propos à connotation antisémite, relativisant la Choa. N’est-ce pas une preuve suffisante des intentions de cette dirigeante ? Les liens que les Juifs de France et l’Etat d’Israël pourraient initier avec ce parti seraient de nature à renforcer la moralité des positions dudit parti, pour le bien de la France et celui d’Israël tout ensemble.
Le modèle de l’étranger-résident
La contribution que le judaïsme peut proposer aux mouvements de droite européens est l’adoption du modèle biblique de l’étranger-résident (guer tochav), comme condition à l’obtention des droits de citoyenneté, sans qu’il soit porté atteinte à l’identité de la majorité nationale.
L’étranger-résident doit accepter deux principes : le premier est la reconnaissance de l’identité nationale et religieuse des gens du pays ; cela comprend la nécessité de porter avec eux le joug de la défense de la nation, face à ses ennemis. Le second principe est l’acceptation des sept lois noachides (les « lois des descendants de Noé »), qui imposent une conduite morale convenable. Voici ces sept lois : 1) la foi dans l’unité divine et l’interdit du service des idoles ; 2) l’interdit des relations incestueuses, adultères etc. ; 3) l’interdit du meurtre ; 4) l’interdit de blasphémer contre le Ciel ; 5) l’interdit du vol ; 6) le respect de la loi et du système judiciaire ; 7) l’interdit de manger un membre d’un animal vivant – en d’autres termes, un comportement décent à l’égard de l’environnement et d’autrui (Maïmonide, Melakhim 9, 1).
Inspiration pour notre temps
Celui qui se soumet aux lois applicables à l’étranger-résident a vocation à jouir pleinement de ses droits, ainsi qu’il est dit : « Comme un citoyen d’entre vous sera l’étranger habitant parmi vous, et tu l’aimeras comme toi-même » (Lv 19, 34). Toutefois, quand il est à craindre que l’accueil d’un nombre trop élevé d’étrangers n’ait pour effet d’estomper l’identité du pays, l’Etat est fondé à limiter le nombre des personnes accueillies, même si celles-ci sont prêtes à adopter les règles de l’étranger-résident.
Il convient de préciser que les Juifs, en exil, se conduisaient, à l’égard des pays qui les accueillaient, comme des étrangers-résidents. Ce n’est qu’à l’époque moderne que certains Juifs de gauche, fort minoritaires, œuvrèrent à la création de mouvements révolutionnaires.
Les étrangers qui, en revanche, ne sont pas prêts à se soumettre aux règles, à honorer la culture de la majorité et ses principes moraux, à s’abstenir de prêcher contre elle dans les mosquées, et à plus forte raison ceux qui se livrent au vol, au trafic de drogue, ceux qui font des rapports mensonger aux autorités, ou gênent l’activité de la police, n’ont pas vocation à jouir des droits attachés à la citoyenneté. Il convient de les renvoyer, avec tous les honneurs, dans leurs pays d’origine.
En attendant que ne soit tout à fait éclairci le statut des immigrés ayant déjà obtenu la nationalité de leur pays d’accueil, il convient que l’Europe cesse d’accueillir des immigrants supplémentaires. Le désir de les aider est certes louable, mais cette aide ne doit leur être accordée que dans leurs pays d’origine.■
Le rabbin Eliézer Melamed est un des principaux dirigeants spirituels du courant sioniste-religieux en Israël. Auteur d’ouvrages de halakha (législation juive) dont plus de quatre cent mille exemplaires ont été vendus à ce jour, il tient depuis l’année 2000 une rubrique au sein de l’hebdomadaire Besheva (l’exposition du journal dépasse Haarets en fin de semaine).