C’est à une invitation personnelle de Yaïr Lapid, président de Yesh Atid, sur l’initiative de la responsale et porte-parole francophone de son parti, Katty Rojtman, qu’ont répondu quelques représentants de la presse francophone dont Le P’tit Hebdo.
En introduction, l’ancien ministre a expliqué les raisons qui l’ont poussé à organiser cette conférence de presse francophone: »Yesh Atid est peu ou mal connu de la population francophone en Israël. Les impressions qui remontent du terrain sont que nous sommes souvent perçus comme une certaine »gauche caviar ». Cette image a été montée de toutes pièces par nos concurrents politiques, qui ont intérêt à nous présenter de la sorte. Parallèlement, certains me définissent comme un homme de droite! Mon ancien numéro 2 était le Rav Shaï Piron, habitant d’une implantation, nous avons aussi dans nos rangs le Rav Dov Lipman, que j’estime énormément. Tout cela fait que j’ai souhaité vous inviter aujourd’hui, afin de redéfinir l’image de Yesh Atid auprès des francophones ».
Yaïr Lapid a ensuite poursuivi en énonçant un certain nombre de lois importantes initiées par son parti: »La loi qui vise à réduire le financement des terroristes par l’AP a été faite par Yesh Atid. La loi qui interdit à Shovrim Shtika de rentrer dans les écoles est une initiative de Naftali Bennett et de Yesh Atid. Nous voulons faire de la politique pragmatique ».
Puis la parole a été donnée aux journalistes présents.
Avraham Azoulay: Vous parlez beaucoup de Naftali Bennett. A l’époque où vous étiez au gouvernement, vous aviez conclu une alliance fraternelle, »brit a’him ». Etes-vous toujours « frères »?
Yaïr Lapid: Disons que nous sommes cousins! Je suis très ami avec Bennett, nous étions récemment, ensemble à l’inauguration d’une plaque à la mémoire d’Emmanuel Moreno, z »l, à Netiv Avot. La révolution que nous aurions pu faire, n’a, à mon grand regret, pas pu se réaliser. Il y a des sujets sur lesquels je suis très en accord avec Habayit Hayehoudi, d’autres non, comme l’annexion unilatérale des implantations, ce n’est pas réaliste. Je suis prêt à m’entendre avec eux quand nous avons une vision commune.
A.A.: Yesh Atid se définit comme un parti de centre. N’est-ce pas difficile en Israël d’être »parvé »?
Y.L.: Je ne pense pas que nous soyons »parvé ». Mais en effet, nous n’avons pas choisi la facilité. Tenir des propos extrêmes: c’est cela la facilité, mais ce n’est pas responsable. Gauche et droite sont des idéologies trop simplifiées. Il s’avère que derrière ces mots, il n’y a rien. La vraie vie se trouve au milieu. La preuve que nous incarnons un vrai courant c’est que tous les sondages nous annoncent en 2e position dans l’opinion publique.
Le renforcement actuel du Likoud n’est pas lié à des considérations de droite et de gauche mais à un rassemblement autour du Premier ministre parce qu’il a réussi à convaincre qu’il faisait l’objet d’une cabale. Un Premier ministre qui dit qu’il ne faut pas faire confiance à la police, au Shabak, manque de responsabilité. Cela se retournera contre lui. La question ce n’est pas gauche et droite mais l’avenir de notre pays.
A.A.: Etes-vous déçu du fait que finalement nous n’irons pas voter en juin?
Y.L: Oui. Je pensais vraiment qu’il était temps de faire de nouvelles élections. Le chaos politique que nous vivons est lié à un système que nous devons changer. Je veux faire passer une loi qui limite le nombre de mandats du Premier ministre et qui empêcherait de faire tomber le gouvernement, même s’il n’est plus majoritaire au parlement. Cela existe dans d’autres pays, nous devons nous en inspirer.
A.A.: Si vous êtes nommé Premier ministre, avec qui formerez-vous votre coalition?
Y.L: J’irais d’abord voir le Likoud et Avoda. Je veux un gouvernement d’union nationale. C’est ce dont notre pays a besoin. Ensuite, les portes seront ouvertes à tous ceux qui souhaiteraient collaborer avec nous, à l’exception des partis arabes, avec lesquels je ne vois pas comment nous pourrions nous entendre.
A.A.: Que pensez-vous de Donald Trump?
Y.L.: Je m’intéresse d’abord à ce qui est bon pour Israël et Donald Trump l’est. Le transfert de l’ambassade est une excellente chose pour nous. J’ai été ému aux larmes quand je l’ai vu au Kotel. J’écoute avec attention les discours de Nikky Haley à l’ONU et je me souviens alors qu’Obama n’avait pas opposé son veto au Conseil de sécurité de l’ONU face à l’adoption d’une résolution ouvertement anti-israélienne. Je suis très heureux que Trump ait été élu. Mais soyons prudents: Israël ne peut pas se contenter d’être proche du parti Républicain et ce pour deux raisons. Premièrement, parce que 70% des Juifs américains sont démocrates. Deuxièmement, parce qu’aux prochaines élections de mi-mandat, il est possible que les Démocrates renversent la tendance. C’est la première fois que nous sommes aussi proches uniquement des Républicains. Nous devons comprendre le déchirement que l’accord sur le Kotel ou la loi sur les conversions ont pu être pour les Juifs américains. Si Obama a signé des aides les plus conséquentes de l’histoire pour Israël, c’est parce qu’il était poussé par des personnes juives démocrates, très influentes. Ne négligeons pas cette influence.
A.A.: Pensez-vous qu’il y aura un Etat palestinien?
Y.L: Je pense que nous devons nous diriger vers une séparation avec les Palestiniens. La solution que propose Bennett est dangereuse. Nous prenons le problème le plus difficile, le plus sanglant et nous le faisons porter sur les épaules de nos enfants. La gauche est naïve en pensant que les Palestiniens veulent aussi la paix. La droite est naïve en pensant que les années relativement calmes actuellement sont la preuve que cela peut durer. Ce calme est artificiel. Je veux prendre le problème à bras-le-corps en convoquant une réunion régionale. Mais surtout les Palestiniens doivent comprendre que la sécurité d’Israël restera toujours entre ses mains.
A.A.: Finalement, regrettez-vous d’avoir quitté le journalisme pour la politique?
Y.L: Non, même si je gagnais bien mieux ma vie en tant que journaliste. Mais aujourd’hui, je sens que ma vie a un sens plus profond, je me bats pour des choses dans lesquelles je crois sincèrement.
A.A.: Quel est votre message aux olim de France?
Y.L.: Je comprends que les principales problématiques auxquelles ils font face sont l’emploi, le coût de la vie, la reconnaissance des diplômes. Qu’ils sachent que ces difficultés sont exacerbées par le fait que le gouvernement ne fait pas son travail. Les olim doivent savoir montrer leur force politique pour que le gouvernement comprenne que s’il ne remplit pas sa mission, il ne sera pas reconduit.
Propos recueillis par Avraham Azoulay
Paroles d’un politicard rien de neuf à l’horizon.