Entretien avec Michel Allouche
Propos recueillis par Avraham Azoulay
Quand on pense au mouvement ‘Habad, on pense à 770… En quoi les deux sont-ils liés ?
C’est au départ, tout simplement, l’adresse du bureau du Rabbi de Loubavitch, de sa synagogue et de son Beth Midrach, devenus le siège mondial du mouvement : 770, Eastern Parkway, Brooklyn. C’est là que se sont tenus des centaines de fahrbrengen, ces assemblées ‘hassidiques depuis ce jour d’hiver 1951 où le Rabbi accepta de succéder à son beau-père et ce, pendant plus de 40 ans. Là le Rabbi délivrait ses discours, commentait la paracha et des textes de ‘hassidout et donnait ses instructions (les fameuses campagnes de mitsvot). C’est là aussi que le Rabbi recevait des milliers d’invités du monde entier, parfois parmi les plus prestigieux ; chaque dimanche, il donnait un dollar pour la tsédaka aux centaines de Juifs (voire aussi des non-juifs) qui se présentaient et les comblait de ses conseils et de ses bénédictions.
Les ‘hassidim ont pu ensuite remarquer que la valeur numérique du mot hébreu farasta est précisément 770, ce qui rappelle le terme oufarasta, dans le verset de la bénédiction donnée à Jacob « Et tu t’étendras d’ouest en est, du nord au sud…» (Genèse 28 : 14). Un verset devenu en quelque sorte la devise du mouvement ‘Habad qui s’ouvre en direction de l’ensemble du peuple juif aux quatre coins de la terre afin d’encourager la pratique du judaïsme ainsi que l’étude de la Torah et de la ‘hassidout.
Il est bon de noter aussi que la valeur numérique de Tsarfat, la France, n’est autre que 770…
Où en est le mouvement ‘Habad depuis que le Rabbi n’est plus ?
Contrairement à certaines prévisions, le mouvement n’a cessé de s’étendre – oufarasta, disions-nous – et le nombre d’émissaires (les chélou’him) ne cesse d’augmenter pour atteindre plus de 4000, répartis dans le monde entier. Le Rabbi a établi une véritable feuille de route qui doit nous conduire vers la guéoula et chacun se donne corps et âme à la tâche.
Pour ce faire, le mouvement n’hésite pas à mettre en œuvre les moyens les plus modernes et utiliser à bon escient toutes les technologies modernes de communication sans exception (il fut le premier à utiliser les ondes de radio pour diffuser des cours de Torah), pourvu que cela permette d’atteindre les Juifs les plus éloignés.
Qu’est ce qui caractérise le plus le mouvement ‘Habad ? Quelle est sa vocation ?
À la fois une exigence d’approfondissement de la Torah jusqu’à sa dimension la plus intérieure (‘Habad représente les initiales de ‘Hokhma, Bina et Daat les trois premières séfirot intellectuelles de la Kabbale), une pratique sans compromis et une vocation d’aller vers l’extérieur, vers chaque Juif, quel que soit son niveau de pratique – la mitsva de l’amour d’Israël portée à son comble – et l’aspiration messianique à faire de ce monde ici-bas une résidence pour D-ieu.
En quoi l’action du Rav Adin Even-Israël Steinsaltz, qui est lui aussi un ‘hassid et un disciple du Rabbi de Loubavitch, s’apparente-t-elle à cette vocation du mouvement ‘Habad.
Il est exact de souligner que « Rav Adin » aura été un des très proches disciples du Rabbi de Loubavitch avec qui il s’entretenait de longues heures durant. Si vous me permettez une petite parenthèse intéressante en passant, c’est d’ailleurs le Rabbi qui lui avait conseillé de partager la page de Guémara en deux afin de pouvoir y insérer sa traduction commentée. Un secret longtemps gardé par Rav Adin qui préférait voir les critiques (infondées) pleuvoir sur lui plutôt que sur le Rabbi.
Le Rav Steinstaltz s’emploie lui aussi à diffuser le judaïsme au plus grand nombre au travers de son Talmud commenté et traduit, de ses nombreux livres, de ses institutions et de ses nombreux déplacements à l’étranger à la rencontre de Juifs de tous horizons. Dans le dernier livre que j’ai eu le privilège de traduire « Mon maître le Rabbi » (Éditions du Cerf), très exactement dans l’avant-propos, n’exprime-t-il pas sa volonté de « recréer le personnage tel qu’il a réellement vécu, le guide prodiguant ses enseignements afin de l’aider à accomplir son extraordinaire mission », ni plus ni moins que l’avènement de la Rédemption finale pour Israël et l’humanité entière ?