La baisse de l’alyah de France ? “Il faut relativiser”, rétorque Dov Maimon. Ce chercheur au JPPI (Jewish People Policy Institute), un think-tank de chercheurs en prospective sur le monde juif, connaît bien le sujet. Certes, l’année 2015 a connu un pic exceptionnel avec 8 000 arrivées en provenance de l’Hexagone, mais jusqu’à 2012-2013, on plafonnait à 2 000 immigrants par an, rappelle-t-il. Alors si 2016 se termine avec 4 à 4 500 nouveaux arrivants, cela reste un score très honorable.
Pour Dov Maimon, ces chiffres n’ont rien d’étonnants. En juin dernier, déjà, il avait présenté en Conseil des ministres les résultats d’un rapport de synthèse sur la situation de l’alyah de France. Il expliquait alors ce tassement par 4 raisons principales.
“Premièrement, le réservoir de l’alyah idéologique est aujourd’hui relativement asséché”, avance-t-il. Il décrit les juifs encore en France comme plus pragmatiques, qui “ne viendront que sur fond de calculs de rentabilité”. En clair, si l’alyah implique pour eux une baisse significative de leur niveau de vie, ils préfèreront s’abstenir. Pour motiver cette population, l’Etat devra leur proposer un véritable plan de délocalisation, adapté, précise Dov Maimon.
Deuxième raison : les difficultés réelles et sérieuses inhérentes à l’alyah, au niveau de la scolarisation des enfants et de l’insertion professionnelle des parents. Autant de blocages soit bureaucratiques, soit liés à la différence des structures en France et en Israël.
Une communauté en détresse sociale
Troisième raison : il existe en France quelque 50 000 juifs, très intéressés par l’alyah, mais qui n’en ont pas les moyens. “Près de 40 % de leur budget mensuel provient de fonds publics, d’aides sociales diverses, qu’ils perdront en arrivant en Israël”, pointe Dov Maimon. Un cas de figure qu’Israël ne connaît pas : celui d’une population en difficulté, mais originaire d’un pays riche. L’Etat a déjà accueilli des communautés en détresse, comme les juifs d’Ethiopie, ou débarquant de pays aisés comme les Etats-Unis. Mais une population en difficulté qui vient d’un pays riche, reste pour lui une inconnue. Ces juifs de France ont d’ailleurs des attentes très grandes que l’Etat ne sera certainement pas en mesure de leur donner, explique le chercheur. “Il existe une profonde différence de mentalité entre la France et Israël : d’un côté, c’est un pays d’assistanat développé, de l’autre, celui de l’entreprenariat individuel par excellence”, pointe-t-il. Donc s’il veut faire venir cette population habituée à une aide sociale importante, Israël devra penser un plan différent.
Enfin, quatrième et dernière raison principale de cette baisse de l’alyah française en 2016 : les sérieux efforts entrepris par Manuel Valls pour combattre l’antisémitisme en France. Par les moyens débloqués et ses mesures, le Premier ministre français a su rassurer les juifs de France. Parallèlement, les attentats du Bataclan et de Nice ont changé la donne pour montrer que les juifs de l’hexagone ne sont pas les seuls à être visés par le terrorisme, mais l’ensemble de la population française. “Les juifs ont moins l’impression d’être mis sur la touche, d’être isolés, ils se sentent participer à une difficulté commune”, note Dov Maimon.
Le chercheur cite aussi une petite amélioration économique en France et l’Intifada des couteaux en Israël, qui ont pu faire penser à certains juifs qu’il n’y avait plus une réelle urgence à partir.
Les jeunes d’abord
Si on parle de 500 000 juifs encore en France, le chercheur estime à quelque 100 à 150 000, les juifs connectés à une vie communautaire. Les autres, outre leur appartenance statistique liée à leurs origines juives, ne démontrent aucun intérêt pour la chose juive ou israélienne. Ce qui signifie que le vivier de réels candidats à l’alyah se cantonne à 100 000 voire 120 000 juifs. Pour les faire venir, continue Dov Maimon, il faudrait que l’Etat invente un autre modèle d’immigration qui, à l’heure actuelle, n’est pas décidé politiquement : “on ne voit pas de changement majeur”. Et d’invoquer des raisons de politique intérieure, liées aux contraintes de la coalition.
Alors, oui, les juifs de France – les jeunes en particulier – finiront par venir, par petites vagues, à plus ou moins 4 000 par an, note le chercheur, “comme cela s’est d’ailleurs passé avec les juifs du Maroc, venus progressivement sur 20 ou 30 ans”.
Pour lui, la priorité consisterait à mettre sur pied des programmes pour les jeunes juifs des zones sensibles, généralement issus de familles défavorisées. “Mais de la même façon que la communauté juive française ne se met pas en charge de relocaliser ces populations vers des quartiers plus sécurisés, l’Etat d’Israël ne considère pas non plus cela comme un danger suffisant pour lancer un plan d’urgence”. Maintenant, on peut aussi imaginer un scénario plus dramatique, avec l’élection de Marine Le Pen, la sortie de la France de l’Europe, et l’écroulement de l’Euro qui viendraient précipiter les choses, précise-t-il.
“En cas de guerre civile en France, Israël sait intervenir”, poursuit Dov Maimon, “affréter des avions pour rapatrier des juifs qui habiteront sous des tentes, comme avec les juifs d’Ukraine”. En clair, pas question de recevoir un appartement à Tel-Aviv ou Jérusalem. L’Etat fait ce qu’il peut faire, et c’est déjà énorme, lance le chercheur, “aucun pays au monde ne donne un panier d’intégration”.
Alors pour lui, ce ralentissement de l’alyah française a peut-être du bon. L’occasion de rappeler aux candidats que l’alyah est un projet qui se planifie, qu’il faut penser. Son message aux juifs de France : “préparez-vous, même si cela prend 2 ou 3 ans, essayer de faire des économies, ne serait-ce que 10 à 20 000 euros. Si vous pouvez vendre vos biens et vous mettre en location, faites-le.” Mais tout ça n’est qu’un vœu pieux, regrette-t-il, “car tout au long de l’histoire du peuple juif, on n’a jamais vu une communauté comprendre ce genre de message”.
Boker tov,
Je suis retraitée je gagne 1000€ par mois .
J’ai un loyer de 460€+les charges edf assurance maison ect… + nourriture.
Les fin de mois c’est dur.
Comment vivre en Israël avec ce revenu?
Merci de me répondre.
Cordialement
C’est dommage. Ce qui manque en Israël ce sont des HLM gérés par l’état avec des loyers très faibles et qui pourraient être aussi utilisés pour des jeunes couples sortant de l’armée. Et aussi il manque des centres de formation type AFPA pour les jeunes sans qualification.