FIGAROVOX/TRIBUNE – Malgré les attentats de Londres et de Paris, les responsables politiques ne lient toujours pas le terrorisme au fondamentalisme islamique. Dans sa tribune, Renée Fregosi prend position et dénonce ce silence qui participe à l’affaiblissement de l’autorité de l’État.

Renée Fregosi est une philosophe et politologue française. Directrice de recherche en Science politique à l’Université Paris-Sorbonne-Nouvelle, elle a récemment publié Les nouveaux autoritaires. Justiciers, censeurs et autocrates (éd. du Moment 2016).
Les attentats se succèdent. Plus ou moins meurtriers, certains spectaculairement ou plus discrètement déjoués, mais leur qualification d’islamiste reste insignifiante. Au lendemain de l’attentat islamiste de Londres le 3 juin dernier, excepté Marine Le pen, le silence des responsables politiques sur la nature de ce «terrorisme» était assourdissant. Seuls Jean-Yves Le Drian en France osa qualifier de «djihadiste» l’attentat terroriste, et Denis McShane en Angleterre (ancien ministre de Tony Blair aujourd’hui marginalisé au sein de son parti), appela sans détour à lutter contre le totalitarisme islamiste. Après les attentats de Charlie, de l’Hypercacher puis du Bataclan, la nécessité de «nommer l’ennemi» avait gagné des partisans dans le monde politique démocratique, mais cette stratégie semble aujourd’hui au point mort, avec notamment l’effacement de Manuel Valls du devant de la scène politique. Or, laisser au Front national la défense de la laïcité et la dénonciation de l’islamisme, c’est faire doublement le jeu du totalitarisme islamiste. Parce que le laïcisme du Front national n’est pas la lutte laïque pour l’émancipation des individus et les principes républicains, et qu’il cache mal sa xénophobie foncière et sa dimension autoritaire.
La guerre au «terrorisme» est certes déclarée, mais en se refusant à le qualifier, à le définir on s’interdit d’en saisir la logique dans sa globalité. S’il s’agissait de terrorisme «en général», de phénomènes de «radicalisation» quelconques, de «violence aveugle», voire de simples actes de «déséquilibrés», des mesures techniques de plus ou moins grande envergure devraient pouvoir en venir à bout. Reconduction de l’État d’urgence, aménagement de l’État de droit, et bricolage des dispositifs individuels de «dé-radicalisation». Si les attentats étaient le seul produit d’agents extérieurs, les guerres menées contre les groupes islamistes en Afrique et au Moyen-Orient pourraient en venir à bout ou du moins réduire considérablement leur capacité de nuisance. Mais l’ennemi est tout autant à l’extérieur qu’à l’intérieur. En agissant ainsi a posteriori, on ne s’attaque en rien au «vivier» des milliers de «fichés S» ou susceptible de l’être, sans cesse alimenté par de nouvelles recrues pouvant «passer à l’acte» à un moment indéterminable, et nos sociétés continuent à être travaillées par des conflits culturels et civilisationnels destructeurs.
Car le terrorisme n’est que la partie émergée de l’iceberg politico-religieux qui plonge ses racines à la fois dans l’expansion de l’intégrisme musulman à travers le monde, et dans nos sociétés occidentales désarmées face à la question religieuse et déstructurée socialement par les inégalités et les défauts d’intégration d’une immigration non maîtrisée. Que tous les Musulmans ne soient pas des terroristes ne signifie pas pour autant que l’islam n’a «rien à voir» avec l’islamisme. La matrice idéologique politico-religieuse se fonde dans la religion musulmane, ses textes sacralisés, ses préceptes de séparation des sexes et de haine des femmes et des homosexuels, ses exhortations aux croyants à se dissocier, jusqu’au meurtre, de leurs «chiens» d’ennemis, les «mécréants», les «impies», les Juifs, les apostats. Et c’est pourquoi il est si facile aux militants islamistes de créer une solidarité entre eux-mêmes et la «communauté» musulmane qu’ils contribuent en grande part à consolider.
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